(...) De ces quatre personnes arrêtées, trois sont membres de l’exécutif de l’Association pour une solidarité syndicale étudiante, l’ASSÉ, qui compte quelque 45 000 membres. L’autre est impliquée au sein de l’Association des étudiants en sciences humaines à l’UQAM, qui est proche de l’ASSÉ et de son exécutif.
Les accusations sont portées par voie sommaire, c’est-à-dire par la voie d’une procédure allégée, qui ne permet pas aux accusés de bénéficier d’une enquête préliminaire ou d’opter pour un procès devant jury. Lors de telles accusations, ces choix ne s’offrent pas. La peine maximale à laquelle ils s’exposent est de 5 000$ d’amende ou six mois de prison, peine plus douce que lorsque les accusations sont portées autrement.
(...) Or selon ce qu’on en sait, car le SPVM n’a jamais annoncé, expliqué ou justifié l’existence de GAMMA, l’escouade existerait depuis deux ans, et les arrestations ont toutes eu lieu dans les dernières semaines. C’est donc dire que les membres de cette escouade filent, épient, espionnent les individus qui participent à des manifestations et non pas seulement les manifestations elles-mêmes. Il ne serait pas étonnant, pas plus que cela ne relèverait d’un délire paranoïaque, de penser que leurs lignes téléphoniques soient écoutées, et leurs textos lus. Des micros lors des assemblées? Des agents policiers d’infiltration qui font mine de manifester? Fort probablement.
D’ailleurs, mes jeunes clients arrêtés ont été interrogés longuement non seulement sur leur implication, mais sur l’implication de ceux qui partagent les mêmes convictions qu’eux. Aussi, pour son enquête sur les activités de l’ASSÉ, l’escouade semble se servir d’un agent-source, c’est-à-dire d’un étudiant qui fait la sale besogne de donner ou de vendre des informations, qu’elles soient fausses ou pas, sur ses camarades. On ne peut pas parler d’une escouade ponctuelle avec de tels moyens d’enquête.
(...) Il est outrageant de qualifier de marginal ou d’anarchiste l’individu qui s’implique collectivement dans la promotion et la défense des droits de la personne. Est-ce par manque de culture ou pour affoler le bien-pensant, manière subliminale de s’assurer de son appui, qu’on emploie ces mots non seulement injurieux mais anachroniques?
Un marginal est un inadapté, un paumé, un asocial. Plume dirait un malotru.
Un anarchiste, attribut galvaudé par les siècles, était un tenant d’une philosophie politique prônant l’abolition des hiérarchies et de l’État.
Mes clients ne sont pas anarchistes, ils sont étudiants. Et ils revendiquent des droits. Par les mêmes moyens que je le faisais à leur âge.
– Véronique Robert, avocate