lundi 29 août 2011

Abolition n’est pas prohibition

Texte en français avec références ici. Les passages en gras sont de moi.


Pourquoi la défense de l’avortement diffère de la défense de la prostitution
Réponse à un argument pro-décriminalisation


J’ai reçu il y a quelques heures un hyperlien menant à un blog par l’entremise d’une liste de diffusion féministe ; une liste de diffusion qui a, comme la majeure partie de la communauté féministe ailleurs, connu énormément de débats houleux concernant la prostitution, le « travail du sexe », l’abolitionnisme et la décriminalisation.

L’auteure de ce message affirme souhaiter une « véritable » réponse à des questions précises qu’elle pose aux abolitionnistes et laisse entendre, par le titre de son message – « Choisir nos batailles : Pourquoi le mouvement féministe doit cesser de débattre et appuyer la décriminalisation du travail du sexe » – que ce qu’elle désire vraiment est de mettre fin aux luttes intestines et faire ce qui est mieux pour les femmes (ce qui est évidemment ce que nous souhaitons toutes)...

Mais cela dit, son message – dès son – fait allusion à autre chose que le souhait d’un discours véritable. Il suggère non seulement que la décriminalisation totale est la seule avenue dont dispose le mouvement féministe pour trouver une solution à la prostitution et à l’exploitation des femmes par les hommes, mais les questions qu’elle pose semblent afficher, encore une fois (j’écris « encore une fois » parce que c’est malheureusement un cliché des arguments opposés à l’abolitionnisme et favorables à une décriminalisation intégrale), une absence totale de recherche et une réticence à écouter et à comprendre les arguments et les revendications des abolitionnistes. On y voit aussi l’imposition d’une étiquette, celle de « prohibitionniste », qui montre, là encore, un manque total de compréhension des arguments critiqués. Lorsqu’on amorce une conversation qui prétend à l’authenticité et que l’on s’empresse de dénaturer ou d’interpréter à tort l’argumentation de l’autre partie, cette intention est difficile à prendre au sérieux.

À cause de cela, deux des trois questions que l’auteure prétend poser de bonne foi ne peuvent en fait trouver réponse de la part des abolitionnistes. Ce sont les questions :

2) Comment, en termes pratiques, la prohibition contribue-t-elle à l’objectif de l’abolitionnisme ? et 3) Où la prohibition s’est-elle avérée un outil efficace pour changer des conditions sociales ou modifier des pratiques sociales ?

La prohibition est la pratique d’interdire la fabrication, le transport, l’importation, l’exportation, la vente et la consommation d’alcool et de boissons alcoolisées. Les femmes ne sont pas des boissons alcoolisées. Nous ne sommes pas des produits destinés à être achetés, vendus, fabriqués ou commercialisés, bien que je suppose que ce point de vue soit révélateur de celles et ceux qui aimeraient utiliser ce terme ; peut-être que ces gens considèrent en effet les femmes comme des « produits » de consommation qui devraient pouvoir être achetés et vendus librement ?

En contrepartie, l’abolitionnisme fait référence au projet de mettre un terme à quelque chose, à une pratique. Ce terme a d’abord servi à désigner le mouvement qui cherchait à mettre fin à l’esclavage et à la traite négrière. Il est aujourd’hui utilisé par des féministes en référence à un mouvement cherchant à mettre fin à la prostitution et à la traite des femmes. Les féministes qui luttent pour l’abolition considèrent la prostitution comme une forme d’exploitation et un exemple de privilège et de pouvoir masculins. Pouvez-vous voir les similitudes ici ? Je trouve que si nous posions les « véritables » questions, nous utiliserions les bons termes.

L’auteure poursuit en posant les questions : « Qui devrait être criminalisé ? Les travailleuses et travailleurs du sexe, les clients, les « madames » (propriétaires de bordels), les membres de la communauté fétichiste, les enterrements de vie de garçon, les propriétaires de bars ou clubs ? »

Encore une fois, pour moi, tout ce que cette question démontre de sincère, c’est une sincère absence de recherche, une intention véritable de ne pas entendre ce que disent les femmes. Les abolitionnistes ne réclament aucunement la criminalisation des travailleuses du sexe. Elles plaident au contraire pour la dépénalisation complète de femmes prostituées, mais pour la criminalisation des proxénètes et des clients. C’est aussi simple que cela. Pour celles et ceux qu’intéresse sincèrement les véritables arguments de féministes et d’abolitionnistes véritables, voici quelques hyperliens à des références et de nombreux autres documents à consulter.

La plate-forme abolitionniste n’a jamais réclamé que l’on « sévisse » contre les femmes qui travaillent dans l’industrie du sexe ; elle revendique plutôt que l’on mette fin au privilège masculin, à la violence masculine et à l’exploitation et aux sévices infligées aux femmes et au corps des femmes. Elle revendique que, dans une société réellement égalitaire, il n’y ait pas d’« entente » autorisant les hommes à accéder au corps des femmes, simplement parce qu’ils ont l’argent et que les femmes ont besoin de cet argent. Dans une société réellement égalitaire, nous ne croirions pas que les hommes ont ce droit ou que les hommes ont en quelque sorte besoin d’utiliser le corps des femmes sous peine d’agresser ou de violer (un argument fréquemment employé à l’appui de la prostitution).

Prostitution et avortement

Enfin, l’argument central de l’auteure est que « Pendant des décennies, les féministes ont répété encore et encore que la criminalisation de l’avortement ne mettrait pas fin aux avortements. » Mais comment peut-elle comparer la criminalisation continue, par des hommes sexistes de droite, de l’accès à l’avortement par des femmes – dont les vies sont menacées, soit par des procédures bâclées ou par l’accouchement – aux tentatives par des femmes féministes d’entraver le droit d’accès d’hommes sexistes aux corps de femmes dont les vies sont également menacées ? Les droits génésiques assurent aux femmes un contrôle sur leur vie et sur leur corps. Comme le souligne l’auteure, « les femmes meurent lorsque l’avortement n’est pas accessible ». Les femmes devraient avoir le droit de choisir si elles doivent ou non donner naissance, si elles veulent ou non éduquer des enfants. C’est à elles que devraient revenir ces décisions, pas à des hommes. Mais des femmes meurent également aux mains de proxénètes, de clients, de propriétaires de bordels et des trafiquants.

Les abolitionnistes ne souhaitent aucunement criminaliser les femmes : elles veulent un monde où les hommes sexistes ne sont plus autorisés à se payer de la violence sexuelle contre les femmes, où le privilège masculin ne signifie plus que des femmes sont forcées à vendre leur corps aux hommes. La seule comparaison qui tienne entre ces deux enjeux est que l’abolitionnisme et le mouvement pour le droit à l’avortement exigent tous les deux la liberté pour les femmes face à une société patriarcale qui enferme les femmes dans des rôles d’outils sexuels à l’usage des hommes.

En réponse à ce message, et au souhait prétendument authentique de son auteure pour une conversation sincère, je suggère que nous commencions par a) de la recherche, b) l’utilisation correcte des termes avec lesquels décrire le mouvement abolitionniste, et c) une écoute véritable des personnes quand elles parlent. Quand un argument démarre en posant a priori que les abolitionnistes réclament la criminalisation des personnes prostituées et ne cesse de qualifier leur mouvement de « prohibitionniste », tout ce dont il fait preuve est d’un manque d’intérêt pour la conversation, la sincérité, les voix des femmes et la vérité.


Essayez de faire mieux.

Meghan E. Murphy

Vancouver, le 25 août 2011

vendredi 26 août 2011

Êtes-vous une «bonne» victime?

Nous ne sommes malheureusement pas surprises par l'abandon des accusations d'agression sexuelle contre Dominique Strauss-Kahn, mais inquiètes quant au message envoyé à la société. Ce qui nous désole, c'est un système judiciaire qui détermine ce qu'est une «bonne» ou une «mauvaise» victime. Le système judiciaire québécois, en ce sens, ne diffère pas trop de celui des États-Unis.

Le premier enjeu pour une victime d'agression sexuelle est le plus souvent celui de sa crédibilité. Tous les jours, nous recevons des femmes de tous âges, de toutes les origines et de toutes les classes sociales, dont la parole est mise en doute pour le crime qui a été commis à leur endroit. Elles ont le malheur de ne pas avoir eu de témoins, d'avoir attendu trop longtemps avant de dénoncer le crime subi, ou encore de s'être retrouvées dans un endroit douteux, de telle sorte qu'elles doivent justifier leur agression. Elles n'ont pour seule défense que leur parole. Hélas, les preuves médicales ne détectent pas l'absence de consentement.

Parce qu'elle est très médiatisée, l'affaire DSK découragera un grand nombre de victimes d'agressions sexuelles d'opter pour le processus judiciaire, du moins en ce qui concerne les poursuites au criminel.

Lors de la dernière campagne gouvernementale en matière d'agressions sexuelles, les Québécois ont été étonnés d'apprendre que seulement 10% des cas d'agressions sexuelles sont déclarés à la police. Auriez-vous envie de porter plainte si vous risquiez de lire dans les journaux que vous êtes une «pauvre menteuse en quête de popularité et d'argent»? Nafissatou Diallo a tristement servi de bouc émissaire à un système judiciaire qui n'aura finalement jamais entendu un seul mot de la bouche de l'agresseur.

Cette histoire aura eu le mérite de nous confirmer que le processus de guérison pour les survivantes d'agression sexuelle ne peut se traduire uniquement par le processus judiciaire tel qu'il est. Malgré les réformes en droit pénal sur le «passé» de la plaignante, cela ne met-il pas en lumière ce que pensent plusieurs citoyens? Que le droit criminel a été conçu sur des fondements racistes, sexistes et classicistes, en accordant le droit à la justice aux seuls êtres dont la moralité est jugée appropriée et dont le portefeuille est bien garni? C'est la parole de l'un contre l'autre. Et souvent le plus puissant gagne.

Rosa Pires

mardi 23 août 2011

Maladie de marde...




Au-delà du parti et du système foireux dans lequel l'homme évoluait. Au-delà aussi de l'injustice universelle de la maladie, je veux saluer la classe, l'honnêteté, et l'espoir.


...
Depuis des années, il était le seul chef politique à Ottawa à réclamer, budget après budget, de l'argent pour le logement social, pour la santé, pour les chômeurs, pour les villes. Le seul aussi à exiger une hausse des impôts des grandes entreprises, à pourfendre les profits mirobolants des banques et des pétrolières. Le seul, encore, à s'opposer à tout prolongement de la mission militaire canadienne en Afghanistan. À Ottawa et sur Bay Street, on ridiculisait «Jack-in-the-Box», mais de toute évidence son message a fini par passer dans l'électorat. Il a tellement bien réussi à se positionner au centre gauche que, à la fin de la dernière campagne électorale, Stephen Harper exhortait les libéraux ontariens à ne pas voter pour ce dangereux «socialiste»!

Dans le monde très dur de la politique, on s'est souvent moqué de Jack Layton, on l'a souvent traité de naïf, parfois même de jovialiste, notamment parce qu'il prônait la collaboration. Lorsqu'il a récrit le budget libéral avec Paul Martin, en 2005, plusieurs ont là vu un geste désespéré pour éviter des élections, mais le fait est qu'il avait tout de même arraché 4 milliards de plus pour ceux qu'il appelait les «Canadiens ordinaires».

On a beaucoup dit depuis 24 heures que Jack Layton n'était pas un chef banal, qu'il pratiquait la politique de la main tendue, qu'il travaillait en équipe, qu'il respectait ses collègues. Nous en avions eu une belle démonstration lors de son dernier passage à La Presse, en avril, en pleine campagne électorale. Assis au bout de la grande table des rencontres éditoriales, M. Layton avait passé de longues minutes à écouter les réponses de son député Thomas Mulcair, lui laissant toute la place et opinant du bonnet. Je ne connais aucun chef politique qui accepterait de se retrouver dans l'ombre d'un de ses députés dans une rencontre du genre.

***


... Mes amis, l'amour est cent fois meilleur que la haine. L'espoir est meilleur que la peur. L'optimisme est meilleur que le désespoir. Alors, aimons, gardons espoir et restons optimistes. Et nous changerons le monde.

Chaleureusement,

lundi 22 août 2011

La rentrée arrive!






J'aime beaucoup beaucoup l'initiative de l'ASSÉ qui lance aujourd'hui sa campagne "Ensemble, bloquons la hausse" :)

Il y aura une "Manifestation nationale contre la hausse des frais de scolarité" le 10 novembre, 14:00, à Montréal. Idée lancée par, je le crois, les Fédérations.


Par rapport à la manif de novembre... Et les merveilleuses chicannes Fédé/ASSÉ...

- Ça me fatigue plus que ça m'intéresse... Moi je veux me battre pour l'éducation... Si des manifs ou des actions qui me rejoignent sont organisées, je ne vais pas m'empêtrer sans les fleurs du tapis, je vais embarquer. Point.

- Je suis contente de voir que le monde en place ont lâché le tataouinage sur le carré rouge. J'étais totallement d'accord avec l'idée de dépasser ce symbole qui représente le passé et pas nécessairement des gains, mais je trouvais que s'obstiner là dessus était du temps et de l'énergie de perdue. Surtout à ce moment-ci. Surtout quand le carré rouge représente le combat étudiant pour la majorité des étudiants et des étudiantes politisés ou non.



samedi 13 août 2011

Féministes et hommes engagés

Féministes et hommes engagés, sortir de l’androcentrisme et développer l’empathie

(…)

Mais les hommes engagés doivent faire face à une double difficulté (Vidal, 2002) : comprendre des analyses féministes qui désignent leur existence comme source permanente d’oppression des femmes et apprendre à gérer les conflits intérieurs qui en découlent.(…)

L'androcentrisme psychologique et affectif est « un refus d’empathie envers les femmes. Toute évocation de la violence faite aux femmes par les hommes - lorsque celle-ci n’est déjà pas évacuée de prime abord sous prétexte de ne pas se laisser déterminer par l’ordre du jour féministe - est détournée de multiples façons : soit elle sert à évoquer leurs propres souffrances (« mais moi aussi, je souffre »), soit elle est rejetée sur d’autres hommes ou un quelconque système les dépassant (masculinité hégémonique, patriarcat), soit elle est retournée contre les femmes (« mais elles doivent bien y trouver quelque chose, non »), soit elle est évacuée par une auto culpabilisation permettant de rester centré sur soi-même (« c’est affreux, je souffre d’être dominant »). » (Vidal, 2002). Quant à l'aspect politique de l'androcentrisme, Vidal explique que « l’évocation des rapports entre femmes et hommes amène ces hommes à parler de leurs vécus personnels en excluant progressivement le vécu des femmes concrètes dans leurs propres vies. Le féminisme fonctionne alors comme un outil thérapeutique destiné à améliorer la qualité de vie masculine : les hommes utilisent l’analyse féministe pour transformer leur vie dans le sens de plus de bien-être ; si cela ne marche pas, alors ils rejettent le féminisme. » (Vidal, 2002).

Cette négation ou minimisation des rapports d'oppression s'observe dans les études menées par certains hommes féministes engagés tels que Bourdieu et Welzer-Lang principalement, lesquels donnent une importance surdimensionnée à la souffrance des dominants, tout en présentant les hommes comme prisonniers du genre. La prison de genre, comme l'explique Vidal (2010), part du principe que les hommes sont victimes d'une aliénation et contribue à développer un discours de victimisation chez les hommes. Welzer-Lang définit cette aliénation comme étant le versant masculin de l'oppression de genre, comme le prix que les hommes devraient payer pour être des hommes, des membres du groupe dominant. Bourdieu parle du piège masculin imposant à chaque homme le devoir d'affirmer en toute circonstance sa virilité, si bien qu’il fait des hommes des prisonniers, victimes eux aussi, développant un regard compatissant sur le vécu masculin. Le problème de cette analyse en termes de rôle et de prison de genre est qu’elle instaure une vision symétrique des rapports de genre.(…)

Autre tendance qui a cours chez certains hommes engagés, l'idée de la responsabilité des femmes dans les rapports d'oppression. Comme le dénonce Vidal (2010), Bourdieu parle de « la soumission enchantée », de « contribution à leur propre domination », et même d'« accomplissement avec bonheur par les victimes ».(…)

Enfin, le rapport d'oppression ne passe pas essentiellement par la violence symbolique comme le laisse supposé cette théorie du consentement, mais bien par la violence économique, démographique, physique des hommes contre les femmes. La question du « consentement » (de la complicité, de l'ambiguïté, de la responsabilité, de...) omet d'intégrer les différents mécanismes de limitation de la conscience des dominées.(…)

Afin de devenir conscient de leur position d’oppresseurs il s'agit pour les hommes engagés de découvrir des façons de saisir pleinement les conséquences de cette structuration pour ne pas reproduire des biais masculinistes et d'élaborer une conscience anti-masculiniste. S'il existe une asymétrie des vécus et enjeux hommes-femmes et une difficulté d'empathie, il est intéressant de se poser la question sur la manière dont il est possible d'en prendre conscience. (…)

Nous avons constaté dans ce travail que la défense égoïste des hommes de leurs propres intérêts motive les hommes engagés à exclure de leur analyse le vécu opprimé des femmes, et à rester centrés sur eux-mêmes. Comme le note Vidal (2010), c’est aussi en refusant d’empathiser avec les femmes que les hommes engagés demeurent liés au groupe social des hommes en général. Seul un travail théorique, politique et personnel sur cet aspect de la subjectivité masculine permettra donc de briser le lien avec le groupe social des hommes et d’élaborer une conscience anti-masculiniste. (...)


Julien Cart

mercredi 10 août 2011

Londres: quelques pensées

Dans la porte d'un Subway de la ville


Tout d'abord, un mot de la North London Solidarity Federation (British section of the International Workers Association) en lien avec les évènements:

(...)Much has been made of the fact that the rioters were attacking “their own communities.” But riots don't occur within a social vacuum. Riots in the eighties tended to be directed in a more targeted way; avoiding innocents and focusing on targets more representative of class and race oppression: police, police stations, and shops. What's happened since the eighties? Consecutive governments have gone to great lengths to destroy any sort of notion of working class solidarity and identity. Is it any surprise, then, that these rioters turn on other members of our class?

The Solidarity Federation is based in resistance through workplace struggle. We are not involved in the looting and unlike the knee-jerk right or even the sympathetic-but-condemnatory commentators from the left, we will not condemn or condone those we don't know for taking back some of the wealth they have been denied all their lives.

But as revolutionaries, we cannot condone attacks on working people, on the innocent. Burning out shops with homes above them, people's transport to work, muggings and the like are an attack on our own and should be resisted as strongly as any other measure from government "austerity" politics, to price-gouging landlords, to bosses intent on stealing our labour. Tonight and for as long as it takes, people should band together to defend themselves when such violence threatens homes and communities.

We believe that the legitimate anger of the rioters can be far more powerful if it is directed in a collective, democratic way and seeks not to victimise other workers, but to create a world free of the exploitation and inequality inherent to capitalism.

...

Vous me connaissez assez pour savoir que dans le contexte de notre monde occidental contemporain, j’ai toujours été sceptique de la violence antiétatique spontanée comme étant le vecteur, ou le propulseur d’un renversement du pouvoir tel qu’on le connait.

Les évènements qui se passent en Angleterre présentement ne changent pas mon opinion, et ce qui a commencé comme une superbe rétorque des non-privilégiéEs à l’État oppresseur est en train de se muter en invitation au pillage et en de l’organisation citoyenne effrayée. Je ne m’embarquerais même pas dans le sujet des médias réactionnaires nationaux ou internationaux ou dans la réponse prévisible de l’État anglais qui ne veut que réprimer ce qu’il considère être une anomalie (pis sérieux on s’en criss tu de vos esti de Jeux olympiques nationaleux/capitalistes dans un an!!!)

Je m’intéresse surtout à la non-organisation politique des émeutierEs et aux « nouveaux » clivages sociaux qui se mettent en place…

Soyons honnêtes; nous savons tous et toutes que le vieux modèle patron/prolétaire, exploiteur/exploitéEs est dépassé dans notre société, et que la possibilité d’accumulation de capital et de biens dans le modèle de la famille nucléaire rend les frontières mouvantes entre ces « catégories ». D’un point de vue de l’individu, celui-ci a un sentiment identitaire plus développé envers des gens de son quartier, des gens qui votent comme lui, ou des gens qui pratiquent la même religion que lui qu’envers une « classe sociale »; concept flou et non représentatif de la complexité des rapports sociaux actuels.

C’est ce que je constate dans ce cas. Un contexte d’insécurité pousse des gens à s’organiser et non pas demander plus d’aide à l’État (yay!), mais à rejoindre des gens avec qui ils ont des affinités et à se « protèger » des désordres par leur propre organisation. Ces petits commerçant(e?)s et ces pratiquantEs se sont spontanément ralliés pour protéger leurs biens et leur famille. Instinctivement, ils et elles n’étaient pas du côté des émeutierEs.

Le désordre et l’absence de la répression d’État fait peur, dans le sens ou en tant que possédant, on a quelque chose à perdre, mais ça peut aussi faire légitimement peur pour sa sécurité personnelle et celle de ceux que tu aimes, car oui, à côté des pilleurs, il y a aussi des gens qui vont profiter de l’insécurité pour faire du mal aux autres. Sans autres explications qu’une rage qui explose, une excitation incontrôlable ou un froid calcul.

Ce qui m’amène à la non-organisation des émeutierEs, qui est éclatante quand on la compare à l'organisation citoyenne effrayée. Bien sûr qu’il doit y avoir des réunions quelques part, pas nécessairement connectées entre elles, pour préparer ou aller et ne pas se faire enfermer dans des trappes à souris, mais il manque de cohésion politique. C’est ce qui me fait dire que ça n’ira nulle part, sauf vers un essoufflement, sauf vers une affirmation de l’opinion publique majoritaire que l’État fait bien d’être répressif, et vers un oubli plus ou moins partiel des conditions particulières que vivent les gens. Un oubli des conditions qui ont fait que la marmite a sauté samedi dernier.

Je suis fascinée, parce qu’en poussant plus loin mon imagination par rapport à la situation présente (organisation citoyenne anti-émeutierEs/ cristallisation de certains clivages à l’intérieur d’une même « classe sociale »/ mise en lumière du « chacun-pour-soi » qui en poussent certainEs à s’attaquer à d’autres …) et bien je reviens à nos belles conversations théoriques sur le rôle de la violence partant de la base pour lutter contre l’État et le capitalisme. Et sans penser, comme plusieurs, qu’une « révolution » (remarquez les guillemets svp) doit être internationale, ou ne sera pas, je pense qu’un mouvement de ce genre, pour être viable, doit aussi se passer dans les régions voisines immédiates, dans d’autres pays qui ont sensiblement les mêmes conditions de vie et les mêmes séparations sociales… Mais je crois tout d'abord que ça devra être un vrai mouvement, et pas des petites poches désorganisées et pleine de volonté.

...

Réflexion à propos des vols… Je suis d’accord que s’il n’y avait pas de propriété privée, on ne pourrait pas parler de vol. Mais je crois quand même que les voleurs et voleuses de bien de consommation de luxe ne sont pas en train d’attaquer le concept de propriété privée, d’accumulation ou de surconsommation, car en visant des produits spécifiques par la marque ou la notoriété du produit, ils et elles sont encore dans un ordre d’idée que ce produit « vaut » tel montant ou telle notoriété. Par le fait même ils et elles nous prouvent que ce n’est pas un changement qui est visé dans leur pensée, mais qu’au contraire, ils et elles ont totalement confiance en un retour à la situation d’ordre étatique « normal », là ou la « valeur » de leurs trucs sera authentifiée. À la limite je trouve que la pensée des gens qui foutent le feu aux commerces est plus politique…

Quelques trucs qui m’ont fait sourire ou grimacer…c’est selon…




Sacrez moi vos blackberry dans le feu! Mais bon... Le sujet de l'utilisation de la technologie + médias sociaux dans le cadre de trucs du genre mériterait un billet à lui seul...


Ça va mal... mais ...

vendredi 5 août 2011

Hommes et espaces féministes: quelques évidences (à lire et à relire en cas de doute!)

Un billet que je n'aurait jamais pensé avoir besoin de faire ici, mais il semble y avoir un réel besoin de remettre quelques pendules à l'heure... Lisez-les, imprimez-les, diffusez-les, encadrez-les, faites en ce que vous voulez, mais rappellez-vous en, parce que ça évite de perdre beaucoup de temps si à chaque fois, les féministes n'ont pas besoin de répéter tout ça... Et qui dit moins de temps perdu, dit plus de discussions intéressantes :)


Règle #1. Prenez conscience du fait que les discussions ne tournent pas autour de vous. Oui, oui, vraiment! Troublé? En voici les raisons:

En corollaire à la règle #1 : le féminisme concerne les femmes. C’est à propos de nous, pour nous et mené par nous. Ce n’est donc pas à propos de comment vous vous sentez blessé ou menacé par le féminisme ou les femmes, ou à propos de comment vous êtes opprimé en tant qu’homme. Nous savons que le patriarcat a un impact négatif sur tout un chacun, mais ici n’est pas l’endroit pour attirer l’attention sur les souffrances des hommes. Nous vous encourageons fortement à mettre sur pied vos propres groupes pour discuter de ces enjeux.

Règle #2 : Soyez conscient de vos privilèges. Oui, vous en avez. Nous avons tous et toutes différents types de privilèges. Ce n’est pas parce que vous ne vous sentez pas privilégiés que vous ne l’êtes pas. Reconnaître que vous êtes privilégiés ne signifie pas que vous n’ayez jamais souffert. Le fait que l’on vous dise que vous avez des privilèges ne représente pas une insulte personnelle ou une attaque. Ça ne signifie pas non plus qu’une personne est en train d’essayer d’esquiver un argument ou de vous imposer le silence – nous sommes simplement fatiguées d’avoir à constamment tout vous expliquer. Consultez la règle #6 pour plus d’informations.

En corollaire à la règle #2 : le «sexisme à l’envers» n’existe pas. N’essayez même pas de nous servir cet argument. Le fait qu’un homme puisse être blessé par une femme ne remet pas en question l’existence de tout un système social misogyne.

Règle #3 : Apprenez à écouter. Ce serait vraiment bien. Nous vous prions de respecter nos sentiments et expériences personnelles.

Corollairement à la règle #3 : Si vous avez des doutes, bouclez-là. Si vous n’êtes pas sûr de saisir ce dont il est question, résistez l’impulsion d’appuyer sur le bouton «répondre» et tentez de comprendre ce que les femmes sont en train de dire avant d’agir.

Règle #4 : Résistez à la tentation inconsciente de dominer. Votre socialisation vous a appris à le faire, mais ici n’en est pas la place. Voyez la règle #1 et son corollaire. Si vous vous retrouvez à envoyer plus de messages que ne le fait le reste entier de la communauté, demandez vous pourquoi. Si vous sentez le besoin d’attirer constamment l’attention sur votre situation d’homme, examinez cette dynamique. Il s’agit souvent d’une façon inconsciente d’exercer le contrôle.

Règle #5 : Essayez de ne pas être défensif. Rappelez vous que lorsque les femmes expriment leur frustration à l’endroit du patriarcat, il ne s’agit pas d’une attaque personnelle contre vous et vous n’avez pas besoin de répondre comme si c’était le cas. Si vous le faites, il est fort probable que vous enfreignez aux règles #1 à 5. Faites-en une note mentale : si vous vous sentez attaqués par le féminisme, c’est probablement une contre-attaque.

Règle #6: Sachez que ce n’est pas notre tâche de vous éduquer. Les communautés féministes ne devraient pas avoir à constamment remâcher du «féminisme 101» en raison de l’arrivée constante de nouveaux membres hommes. Tout comme vous pouvez lire ceci, vous pouvez lire un livre. Et si ceci est trop vous demander, vous pouvez toujours consulter internet. Il existe plusieurs façons de s’informer sur les théories féministes fondamentales sans avoir à faire dévier toute une communauté des échanges qu’elle tente de construire. Si vous avez effectué votre recherche et avez encore quelques questions spécifiques laissées sans réponse, il est alors plus approprié de demander l’opinion de certaines – mais rappelez-vous qu’elles ne vous «doivent» toujours rien.

Règle #7 : Si des gens vous traitent de trolls, c’est qu’il y a probablement une bonne raison. Il n’est pas nécessaire d’avoir consciemment l’intention d’être un troll pour agir comme tel. Vous pouvez vous amuser à cœur joie à jouer l’avocat du diable, éteindre ensuite votre ordinateur et ne plus jamais avoir à vivre avec ces enjeux. Nous ne le pouvons pas. Il s’agit de nos réalités et nous n’apprécions généralement pas que des hommes traitent des enjeux qui nous affectent sérieusement comme s’il ne s’agissait que de simples exercices intellectuels.

Règle #8 : N’essayez pas de jouer au Chevalier Servant. Vous pensez que vous pouvez «sauver» le féminisme grâce à votre analyse pénétrante? Revenez-en. Il est extrêmement peu probable que vous ayez reçu, grâce à l’«intelligence supérieure de votre organe», une brillante révélation qui aurait échappé aux femmes depuis des siècles.

Règle #9 : Les femmes ne sont pas un bloc monolithique. Le féminisme n’est pas un collectif uni par la transmission de pensée. Il existe une grande diversité d’expériences et de perspectives à l’intérieur du féminisme. Ce n’est pas parce qu’une personne appartenant à une communauté féministe est d’accord avec vous que nous le serons toutes. Ce n’est pas parce que votre amie féministe pense d’une certaine façon que nous devrions toutes le faire. Les présuppositions et les généralisations à l’emporte-pièce à propos des femmes et du féminisme ne vous rapporteront pas de points.

En corollaire avec la règle #9 : ne tentez pas de dresser les femmes les unes contre les autres. Essayez de ne pas faire de vous le sujet de discussion. Ceci enfreint les règles #1, 3 et 4. Ne divisez pas pour régner.

Règle #10: Ne laissez pas faire d’autres hommes lorsqu’ils ont un comportement sexiste. Il s’agit de la meilleure façon de mettre la théorie en pratique, de même que d’utiliser vos privilèges d’homme à bon escient. Si vous réclamez être proféministe sur un forum mais riez avec vos amis lorsqu’ils font des blagues sexistes, nous allons assurément remettre en question votre sincérité.

Règle #11 : Ce n’est pas parce que vous vous qualifiez de féministe que vous êtes exempts de ces suggestions. Il est merveilleux que vous connaissiez des théories féministes. Vous voulez vous engager dans cette noble lutte – excellent!! Ceci ne vous donne toutefois pas le droit de vous lancer en ignorant ces suggestions parce que vous auriez «compris» et feriez partie de la «bonne gang».

En corollaire avec la règle #11 : Ne vous identifiez pas comme proféministe afin d’attirer l’attention des femmes. C’est pathétique et nous vous voyons venir de loin. Vous identifier comme féministe ne fait pas en sorte qu’il devienne plus approprié d’adresser des propos suggestifs à des femmes de la communauté féministe. Les sites de discussion féministes ne sont pas un endroit pour faire la drague.

Règle #12: Ne vous attendez pas à une tape dans le dos parce que vous suivez ces suggestions. Et ne vous plaignez pas si vous sentez que vous ne recevez pas suffisamment de crédit pour le simple fait d’agir comme un être humain décent. Vous ne devriez pas vous conduire de façon appropriée uniquement parce que vous désirez être récompensés – vous devriez le faire parce qu’il s’agit de la chose juste et respectueuse à faire.