mercredi 10 août 2011

Londres: quelques pensées

Dans la porte d'un Subway de la ville


Tout d'abord, un mot de la North London Solidarity Federation (British section of the International Workers Association) en lien avec les évènements:

(...)Much has been made of the fact that the rioters were attacking “their own communities.” But riots don't occur within a social vacuum. Riots in the eighties tended to be directed in a more targeted way; avoiding innocents and focusing on targets more representative of class and race oppression: police, police stations, and shops. What's happened since the eighties? Consecutive governments have gone to great lengths to destroy any sort of notion of working class solidarity and identity. Is it any surprise, then, that these rioters turn on other members of our class?

The Solidarity Federation is based in resistance through workplace struggle. We are not involved in the looting and unlike the knee-jerk right or even the sympathetic-but-condemnatory commentators from the left, we will not condemn or condone those we don't know for taking back some of the wealth they have been denied all their lives.

But as revolutionaries, we cannot condone attacks on working people, on the innocent. Burning out shops with homes above them, people's transport to work, muggings and the like are an attack on our own and should be resisted as strongly as any other measure from government "austerity" politics, to price-gouging landlords, to bosses intent on stealing our labour. Tonight and for as long as it takes, people should band together to defend themselves when such violence threatens homes and communities.

We believe that the legitimate anger of the rioters can be far more powerful if it is directed in a collective, democratic way and seeks not to victimise other workers, but to create a world free of the exploitation and inequality inherent to capitalism.

...

Vous me connaissez assez pour savoir que dans le contexte de notre monde occidental contemporain, j’ai toujours été sceptique de la violence antiétatique spontanée comme étant le vecteur, ou le propulseur d’un renversement du pouvoir tel qu’on le connait.

Les évènements qui se passent en Angleterre présentement ne changent pas mon opinion, et ce qui a commencé comme une superbe rétorque des non-privilégiéEs à l’État oppresseur est en train de se muter en invitation au pillage et en de l’organisation citoyenne effrayée. Je ne m’embarquerais même pas dans le sujet des médias réactionnaires nationaux ou internationaux ou dans la réponse prévisible de l’État anglais qui ne veut que réprimer ce qu’il considère être une anomalie (pis sérieux on s’en criss tu de vos esti de Jeux olympiques nationaleux/capitalistes dans un an!!!)

Je m’intéresse surtout à la non-organisation politique des émeutierEs et aux « nouveaux » clivages sociaux qui se mettent en place…

Soyons honnêtes; nous savons tous et toutes que le vieux modèle patron/prolétaire, exploiteur/exploitéEs est dépassé dans notre société, et que la possibilité d’accumulation de capital et de biens dans le modèle de la famille nucléaire rend les frontières mouvantes entre ces « catégories ». D’un point de vue de l’individu, celui-ci a un sentiment identitaire plus développé envers des gens de son quartier, des gens qui votent comme lui, ou des gens qui pratiquent la même religion que lui qu’envers une « classe sociale »; concept flou et non représentatif de la complexité des rapports sociaux actuels.

C’est ce que je constate dans ce cas. Un contexte d’insécurité pousse des gens à s’organiser et non pas demander plus d’aide à l’État (yay!), mais à rejoindre des gens avec qui ils ont des affinités et à se « protèger » des désordres par leur propre organisation. Ces petits commerçant(e?)s et ces pratiquantEs se sont spontanément ralliés pour protéger leurs biens et leur famille. Instinctivement, ils et elles n’étaient pas du côté des émeutierEs.

Le désordre et l’absence de la répression d’État fait peur, dans le sens ou en tant que possédant, on a quelque chose à perdre, mais ça peut aussi faire légitimement peur pour sa sécurité personnelle et celle de ceux que tu aimes, car oui, à côté des pilleurs, il y a aussi des gens qui vont profiter de l’insécurité pour faire du mal aux autres. Sans autres explications qu’une rage qui explose, une excitation incontrôlable ou un froid calcul.

Ce qui m’amène à la non-organisation des émeutierEs, qui est éclatante quand on la compare à l'organisation citoyenne effrayée. Bien sûr qu’il doit y avoir des réunions quelques part, pas nécessairement connectées entre elles, pour préparer ou aller et ne pas se faire enfermer dans des trappes à souris, mais il manque de cohésion politique. C’est ce qui me fait dire que ça n’ira nulle part, sauf vers un essoufflement, sauf vers une affirmation de l’opinion publique majoritaire que l’État fait bien d’être répressif, et vers un oubli plus ou moins partiel des conditions particulières que vivent les gens. Un oubli des conditions qui ont fait que la marmite a sauté samedi dernier.

Je suis fascinée, parce qu’en poussant plus loin mon imagination par rapport à la situation présente (organisation citoyenne anti-émeutierEs/ cristallisation de certains clivages à l’intérieur d’une même « classe sociale »/ mise en lumière du « chacun-pour-soi » qui en poussent certainEs à s’attaquer à d’autres …) et bien je reviens à nos belles conversations théoriques sur le rôle de la violence partant de la base pour lutter contre l’État et le capitalisme. Et sans penser, comme plusieurs, qu’une « révolution » (remarquez les guillemets svp) doit être internationale, ou ne sera pas, je pense qu’un mouvement de ce genre, pour être viable, doit aussi se passer dans les régions voisines immédiates, dans d’autres pays qui ont sensiblement les mêmes conditions de vie et les mêmes séparations sociales… Mais je crois tout d'abord que ça devra être un vrai mouvement, et pas des petites poches désorganisées et pleine de volonté.

...

Réflexion à propos des vols… Je suis d’accord que s’il n’y avait pas de propriété privée, on ne pourrait pas parler de vol. Mais je crois quand même que les voleurs et voleuses de bien de consommation de luxe ne sont pas en train d’attaquer le concept de propriété privée, d’accumulation ou de surconsommation, car en visant des produits spécifiques par la marque ou la notoriété du produit, ils et elles sont encore dans un ordre d’idée que ce produit « vaut » tel montant ou telle notoriété. Par le fait même ils et elles nous prouvent que ce n’est pas un changement qui est visé dans leur pensée, mais qu’au contraire, ils et elles ont totalement confiance en un retour à la situation d’ordre étatique « normal », là ou la « valeur » de leurs trucs sera authentifiée. À la limite je trouve que la pensée des gens qui foutent le feu aux commerces est plus politique…

Quelques trucs qui m’ont fait sourire ou grimacer…c’est selon…




Sacrez moi vos blackberry dans le feu! Mais bon... Le sujet de l'utilisation de la technologie + médias sociaux dans le cadre de trucs du genre mériterait un billet à lui seul...


Ça va mal... mais ...

3 commentaires:

Mouton Marron a dit…

Ce que je vois aussi dans ces émeutes, c'est l'absence d'espoir.

Pwel a dit…

malheureusement, je crois que tu touche un point important...

Bakouchaïev a dit…

Le mouvement altermondialiste et la gauche en général se sont essouflés après la guerre en Irak et l'effondrement du mouvement pour la paix. En Amériques, on a tellement mis l'accent sur la ZLÉA qu'on s'est retrouvé devant un vide quand le projet a officiellemet avorté.

Tout le monde cherche a humanisé le capitalisme, mais ça ne fonctionne pas. Le nihilisme sera toujours plus attirant que le réformisme, surtout quand le réformisme est rendu complètement inneficace.

Je sais pwel que ta lecture des choses doit être bien différente, mais que ferais-je si je ne voyais pas tout en noir.

Et selon moi, on a encore rien vu. Ça, ce n'est qu'un début. Le pire reste à venir (je parle à moyen/long terme).