Je me souviens
Je me souviens de la manifestation du 10 novembre.
Je me souviens de ce que la police a fait ce soir-là, à McGill.
Je me souviens du blocage à la tour de la Bourse.
Je me souviens des hommes en complet qui regardaient des ados se faire tabasser et poivrer, le sourire aux lèvres.
Je me souviens de Francis Grenier.
Je me souviens de l'homme qui lui a volé un oeil, un certain Marc St-Cyr.
Je me souviens qu'un an plus tôt, presque jour pour jour, des scènes identiques s'étaient déroulées au même endroit, sous son commandement.
Je me souviens du déluge de commentaires en faveur de la police.
Je me souviens des doutes quant à ce que les étudiant-e-s ont fait "qui est coupé au montage".
Je me souviens des mêmes arguments en faveur du NYPD, l'automne dernier.
Je me souviens de la manifestation contre la brutalité policière, le 15 mars.
Je me souviens pourquoi j'y étais.
Je me souviens de ma première grenade assourdissante.
Je me souviens de la deuxième, une seconde plus tard.
Je me souviens de ce qui s'est passé, bien avant la casse.
Je me souviens de ce que les médias en ont rapporté.
Je me souviens m'être promis de ne jamais leur pardonner.
Je me souviens de ce que la police a fait, ce soir-là.
Je me souviens m'être promis de ne jamais leur pardonner.
Je me souviens de la plus grande manifestation de l'histoire du Québec.
Je me souviens de la première page du Journal de Montréal, le lendemain.
Je me souviens qu'on pouvait y lire “Les étudiants perdent des appuis”.
Je me souviens de la plume toxique d'André Pratte.
Je me souviens de Richard Martineau et Eric Duhaime, travaillant d'arrache-pied pour maintenir leur propre peuple dans la petitesse.
Je me souviens de Stéphane Gendron, mais très peu puisqu'il est à V.
Je me souviens de la plus grande manifestation de l'histoire du Québec, un mois plus tard.
Je me souviens de la plus grande manifestation de l'histoire du Québec, un autre mois plus tard.
Je me souviens qu'à celle-ci, nous étions près de 400 000 selon des sources à Urgence Santé.
Je me souviens que nous étions environ 100 000, selon les médias de masse.
Je me souviens de la reporter de La Presse rapportant “des dizaines de milliers”.
Je me souviens de cette même reporter qui a fait son topo sur une vitrine cassée, avec 400 000 manifestant-e-s pacifiques comme arrière-plan.
Je me souviens du couple septuagénaire traumatisé après s'être fait lancer des grenades, le 25 avril.
Je me souviens de la fillette d'à peine 12-13 ans, à Victoriaville, entourée de Black Blocs qui lui rinçaient les yeux.
Je me souviens des Blacks Blocs qui portaient secours aux 7 à 77 ans qui eux, ce jour-là, ont bien compris le sens du terme "violence".
Je me souviens de tous les Black Blocs que j'ai croisé, ce printemps.
Je me souviens qu'aucun d'entre eux était mon ennemi.
Je me souviens que tous ceux et celles qui les démonisaient se sont rangés de l'autre côté.
Je me souviens de toutes ces personnes qui ont fait ce choix.
Je me souviens de Ian Lafrenière, prononçant les mots “casseurs professionnels concertés” sans vomir.
Je me souviens d'Alain Bourdages, présentant des grenades aux médias en utilisant les termes “pas dangereux”.
Je me souviens du printemps où le premier ministre du Québec vantait le travail de policier-e-s s'acharnant de façon psychotique sur des étudiant-e-s.
Je me souviens du printemps où il était commun d'entendre les gens dépeindre les étudiant-e-s comme des voyous, des vandales, des casseurs.
Je me souviens du printemps où ces personnes n'avaient aucune idée de ce qui se passait dans leurs propre rues.
Je me souviens du printemps où la jeunesse du Québec se faisait critiquer pour porter des lunettes de ski, face à des soldats armés de bâtons, de grenades, de gaz CS et fusils à balle de plastique.
Je me souviens du printemps où Ian Lafrenière décriait le port de ces lunettes comme un port d'arme.
Je me souviens du printemps où le port de ces lunettes fut criminalisé.
Je me souviens du printemps où Amir Khadir était dangereux alors que John James Charest représentait l'ordre, la paix, la sécurité, l'avenir du Québec.
Je me souviens du printemps où le terme communiste provoquait plus de réactions que le terme capitaliste.
Je me souviens du printemps où la merde sentait la fleur de lys, pour la "majorité silencieuse".
Je me souviens du printemps où le gouvernement du Québec fut dépeint à travers le monde comme un régime totalitaire.
Je me souviens du printemps où l'ONU et Amnistie Internationale se sont penchés sur son cas, pourtant déjà bien occupés avec Bashar Al-Assad.
Je me souviens du printemps où la ministre des affaires étrangères du Québec a répondue à l'ONU de se mêler de ses affaires.
Je me souviens du printemps où mon peuple se fit déclarer la guerre.
Je me souviens du printemps où j'ai choisi mon côté.
Nous n'oublierons pas.
Nous ne pardonnerons pas.
Il fallait s'y attendre.
-Eric Robertson.
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