samedi 15 juin 2013

Expérience banale de la culture du viol

Il y a encore une femme que je connais qui s'est fait droguer dans un bar cette semaine. Elle a été très chanceuse, elle était bien entourée, et le staff autant que ses amiEs se sont occupés d'elle. Par la suite je lui ai demandé dans quel bar c'était arrivé et pendant toute la conversation j'ai senti qu'elle protégeait le bar en disant que ça aurait pu arriver partout, que ce n'était pas le bar, qu'en tant que femme il fallait de toute façon toujours se surveiller et que de toute façon le staff avait été super gentil avec elle et vraiment fâché et désolé que ça lui soit arrivé.

Je la comprends, c'est vrai qu'il faut toujours se surveiller et c'est aussi vrai que c'est une de mes places préférées avec plein de gens cool qui travaillent là bas, et de la bonne musique.

Mais c'est également une place où un violeur travaille et où il y a un petit historique de Ladies Night.

Attention. Je ne dis pas que c est le violeur qui l'a drogué (je pense qu'il ne travaillait même pas ce soir-là), ou que le contexte était un Ladies Night.

Je ne dis pas non plus que ce ne sont pas tous les bars qui ont des dynamiques qui attisent la culture du viol, mais ça c'est un autre sujet.

Je dis que ce bar est un endroit où quelqu'un qui a violé une femme fait encore partie du cercle de travail, et par la nature même de la job, et du cercle social des gens qui sont là. C'est une place où quelqu'un qui a violé une femme est encore socialement accepté et où toutes les personnes qui connaissent ces faits se sentent tenuEs de ne pas en parler ou de minimiser (j'entends encore des « y'a pas vraiment de preuves »). C'est également un endroit où, des fois, pour faire plus d'argent, on mise sur un contexte de soirée qui encourage la surconsommation d'alcool chez les femmes. Un contexte de soirée où on veut attirer les femmes avec plus d'alcool, mais où on veut attirer les hommes, qui eux paient tout à prix régulier, avec plus de femmes saoules.

C'est pour ça qu'avoir l'impression qu'elle protégeait le bar m'était insupportable. Parce qu'elle avait le réflexe de protéger sa communauté, notre communauté, quand dans le fond, ce commerce n'existe pas pour nous, il existe pour n'importe qui qui va y dépenser de l'argent. Qu'on aime ou non le bar et les gens qui y travaillent n'a aucun lien avec la formation d'une communauté. Et par son refus de ne pas vouloir dire où ça s'est passé, autant qu'en défendant la place en parlant de la sollicitude du staff lors de l'incident elle contribue activement à banaliser ce pan de la culture du viol qui fait penser que les bars et les clubs sont des espaces automatiquement dangereux pour les femmes. C'est elles qui doivent surveiller leurs verres. C'est leur responsabilité de ne pas se faire violer.

Et le bar lui, complice de cette culture du viol, profite de sa figure humaine (son gentil staff) pour lui montrer qu'il est désolé de l'incident quand d'un autre côté il sait très bien que ça serait mauvais pour les affaires d'ébruiter ce genre de choses. Après tout, c'est banal se faire droguer dans un bar... Ça aurait pu arriver n'importe ou...

Pas de chance qu'illes décident de dénoncer publiquement sur leur page fb par exemple, ou pas de chance que la prochaine fois que j'y aille il y ait des messages dans les toilettes disant que c'est des comportements inacceptables. Et là je rêve complètement de penser que je pourrais voir, sur le comptoir du vestiaire, des tract qui se dissocient et qui dénoncent ce genre de choses et d'imaginer que le staff nous encouragerait à en prendre. Dans mes rêves les agresseurs sexuels seraient même mal à l'aise d'entrer.

C'est vrai que dans mes rêves on forme une communauté. Pas juste des gens qui ont les mêmes goûts musicaux et vestimentaires, mais des gens qui se soucient les uns des autres et qui se servent de ce qu'ils ont pour améliorer nos situations. Et si une situation fait que des femmes ne se sentent pas en sécurité, on s'arrange pour régler ça.

Mais ce n'est pas ça qui arrive, parce que ce n'est pas une communauté, c'est un bar. Et si c'est plus payant pour eux de continuer à être complice de tout ça, c'est ce qu'ils vont faire. Ce qui n'empêche en rien que le staff et les proprios soient désolés quand une femme passe proche de se faire agresser. C'est pour ça qu'il faut non seulement dénoncer, mais également dire le nom des places où ça arrive. Il ne faut pas penser que nous faisons du mal à des gens qu'on apprécie en faisant ça, mais plutôt penser qu'on contribue à diffuser de l'information qui aide à la sécurité d'autres femmes.

Et si ces gens-là se soucient de nous, tout le monde va comprendre, sinon ça veut dire qu'ils nous considèrent comme des clientEs remplaçables. Dans un cas comme de l'autre, ce n'est pas les lieux qu'il faut protéger, ce sont les gens. C'est toujours les gens qu'on devrait protéger.

4 commentaires:

Nastassia a dit…

Et c'est quoi le nom du bar donc?

Lez a dit…

Bien sûr qu'il faut dénoncer
C'est le seul moyen de ne pas être complice
Lez

Anonyme a dit…

Je pense que tu devrais donner le nom du bar et laisser les gens faire leur proche choix ,ce n'est pas normal de laisser des clients innocents rentrer dans un bar avec une telle culture , moi je sais que j'aimerais savoir donc voila je pense que tu devrais donner le nom du bar .
En plus c'est la 2eme histoire de ce type dans ce bar c'est too much

Pwel a dit…

Je veux seulement dire que si je n'ai pas donné le nom du bar dans ce billet c'est pour des raisons sécuritaires qui concercent moi et ma coblogueuse. Ayant déjà reçu des menaces ici je ne veux pas que des gens puissent faire le lien avec les places ou je me tiens, mais sachez que le nom du bar circule librement sinon.