Nous, féministes, étudiantes, dénonçons la hausse des frais de scolarité ainsi que le système dans lequel elle s’inscrit et nous interpellons Madame Christine St-Pierre, ministre de la Condition féminine sur le sujet.
Le silence complice de la Ministre sur les impacts de la hausse sur les femmes démontre bien que les politiques néolibérales du gouvernement vont à l’encontre du mandat de l’institution : soutenir «la condition féminine». En plus d’être injustifiable et évitable, cette hausse s’inscrit dans un contexte socio-économique inégalitaire étant uniquement favorable à une élite économique, politique, culturelle, sociale et genrée bien précise.
Nous, féministes, nous révoltons contre le système dans lequel la hausse des frais de scolarité s’inscrit, un système capitaliste, patriarcal, hétéronormatif , raciste, un système qui appauvrit les étudiantes et les étudiants.
Comme nous le rappelait des étudiantes féministes, dans l’article « Les tranchées (ou retranchement des) féministes de la lutte étudiante » de la quatrième édition du journal Tout d’un coup de la Convergence des luttes anticapialistes (CLAC),
« Historiquement, l’éducation a joué un rôle dans l’émancipation des femmes qui n’est plus à prouver. En plus de permettre aux femmes une émancipation économique, en ayant l’éducation nécessaire pour exercer un métier, l’éducation a habilité les femmes à théoriser leur oppression et à prendre conscience de leurs conditions de vie et de la spécificité de leurs oppressions. Ainsi, l’éducation et la lutte pour ce droit ont été, et continuent d’être, des aspects importants de la lutte féministe. Plusieurs principes, ayant historiquement été les moteurs de ces deux mouvements, se recoupent sur les questions de l’égalité d’accès, de l’universalité des droits et de la dénonciation d’un système global structurant les inégalités sociales, ce qui explique, entre autre, que de nombreuses féministes appuient et prennent part aux luttes étudiantes. »
De siècles en siècles, des femmes, des féministes se sont battues pour le droit à l’éducation. De Mary Wollstonecraft, en passant par Virginia Woolf à Madeleine Parent, l’importance de l’accès au savoir a été défendu ardemment par des femmes, des féministes qui désiraient s’inscrire au sein de la société, devenir des citoyennes et permettre aux femmes de concrètement améliorer leurs conditions matérielles d’existence.
Nous, féministes, nous opposons à la hausse des frais de scolarité.
Le système économique capitaliste, en perpétuel quête d’une augmentation des profits, domine et impose son idéologie dans toutes les sphères de nos vies et accentue l’accroissement des inégalités. Ce système crée davantage de problèmes sociaux par ces mesures néolibérales de désafiliation de l’État, de privatisation des services publiques et de diminution des programmes sociaux qui, tous, appauvrissent la majorité de la population. Dans un système où l’on mise davantage sur l’accroissement des capitaux et le redressement des banques, les discours dominants portent davantage sur la logique marchande et la rentabilité que sur l’amélioration des conditions de vie de la population.
Honte à vous, qui veillez au remplacement des politiques sociales par des politiques économiques. Quand il apparaît plus important d’accumuler des millions que de les redistribuer équitablement, il est impératif de reprendre le contrôle.
Nous, féministes, nous opposons au système capitaliste qui détruit le tissu social de notre société.
La hausse des frais de scolarité est un choix politique dans la vague du néolibéralisme ambiant. Soumettant l’éducation aux lois qui régissent les marchandises, la mission première de l’éducation, soit sa portée citoyenne, émancipatrice et libératrice, est évincée par des logiques capitalistes basées sur le profit et la valeur monétaire. La marchandisation de l’éducation ne prend pas forme au Québec seulement. La lutte pour l’accès à l’éducation s’étend à un niveau mondial. Les agissements inacceptables du gouvernement Charest s’inscrivent dans un contexte international qu’il nous faut combattre ; privatisation de l’éducation, copinage avec des multinationales qui achètent le savoir de la cheap labor étudiante, mal-gestion des fonds publics, mise à mort de la vocation sociale de l’éducation, appauvrissement des étudiantes et étudiants. Cette philosophie capitaliste contribue en bonne partie à l’effritement du tissu social québécois et même mondial. Appauvrissant les plus démuni-e-s en leur coupant, notamment, l’accès au savoir, elle crée ainsi des classes économiques encore plus distinctes, exclusives et figées.
Nous, féministes, nous opposons à la marchandisation de l’éducation et revendiquons une démocratisation du savoir.
Non seulement cette hausse est une mesure malhonnête qui vise à faire de l’éducation un privilège pour une élite, mais elle se trouve à être une décision politique sexiste. La hausse des frais de scolarité touchera davantage les femmes en raison des inégalités structurelles qui perdurent entre les sexes. Les difficultés économiques engendrées par cette mesure sexiste auront des impacts majeurs envers les personnes vivant des oppressions au niveau de leur origine, leur sexe, leur orientation sexuelle, leur âge, leur condition physique et/ou mentale.
Cette hausse des frais de scolarité nous est banalement expliquée par une bonification de l’aide financière aux études. Cette alternative n’aide pas les femmes à amoindrir les effets de la hausse des frais de scolarité sur leur qualité de vie. Elle contribuera plutôt à un sur-endettement sexiste des femmes. En gagnant en moyenne 71% du salaire des hommes au cours d’une vie, les femmes ont déjà une charge économique plus grande. Et si l’on pense à long terme, dû à leur plus faible salaire, ce sont les femmes qui remboursent plus longtemps leurs prêts étudiants, qui paient davantage d’intérêts, ce qui, en vérité, augmente les impacts des frais de scolarité des femmes ou des communautés précarisées.
La hausse des frais de scolarité est une mesure qui s’inscrit dans l’hétéronormativité qu’impose le système d’oppression qu’est le patriarcat, qui s’ingère dans toutes les sphères de nos vies, sur des plans personnels et collectifs. L’hétéronormativité présuppose une norme selon laquelle toute personne serait de facto hétérosexuelle et qui marginalise toute autre forme de sexualité et d’orientation sexuelle. Le mariage est une institution qui perpétue cette idée dans l’imaginaire collectif. Sachant que plusieurs mesures concrètes d’aides financières sont attribuées aux couples mariées, entendu hétérosexuels, la hausse des frais de scolarité se trouve au coeur d’une mesure d’oppression hétéronormative. De plus, nous dénonçons que des mesures d’aide financière sensées apporter une aide aux étudiantes et étudiants créent plutôt des dépendances. Comme nous le rappelait une étudiantes féministes, à propos de l’abolition de la contribution parentale :
«Dans une perspective féministe, l'abolition de la contribution parentale annulerait l'incitatif au mariage présent depuis plusieurs décennies dans la structure de l'AFE. Le mariage est considéré, par nombre de féministes, comme étant une forme d'institutionalisation de l'oppression des femmes par la formalisation du contrôle économique des maris sur leurs épouses, en favorisant leur maintien dans des situations de précarité diverses. Les conséquences économiques du mariage s'appliquent à la personne mariée qui est structurellement défavorisée par rapport à son vis-à-vis, et dans les mariages hétérosexuels ce sont plus souvent le cas des femmes. Une dynamique de dépendance économique peut facilement se créer, accentuant la précarité économique des étudiantes, pendant leurs études et sur le marché du travail.»
Nous, féministes, nous opposons à l’hétéronormativité et aux mesures hétéronormatives mises en place, telles que la contribution parentale dans le calcul de l’aide financière.
Comme l’Institut Simone de Beauvoir l’affirme, «plus les droits de scolarité sont élevés, moins les classes sont diversifiées». Les femmes lesbiennes, racisées, en situation de handicap, soutien de famille, célibataires et à faible revenu sont plus touchées que les femmes hétérosexuelles en couple puisque leur revenu par ménage est nettement inférieur. Ce sont ces mêmes personnes qui, en premier, ne pourront pas accéder aux études supérieures, et encore plus suivant cette hausse des frais de scolarité puisqu’elle diminue la diversité d’horizon social des étudiantes et étudiants.
Rappelons aussi que les étudiantes étrangères et étudiants étrangers ont des frais de scolarité différenciés faramineux. Cette discrimination est inadmissible et a des impacts non-négligeables sur les femmes étrangères. En plus de vivre une situation de migration bien souvent difficile où de nombreux obstacles linguistiques, économiques, culturels, législatifs, sociaux et politiques font partie prenante du quotidien de ces femmes, la porte de sortie de leur situation précaire que peut devenir l’éducation n’est accessible, paradoxalement, qu’à celles en position de débourser une somme astronomique. En imposant ainsi une norme économique , hautement difficile à atteindre pour pouvoir se sortir de la pauvreté, la mesure des frais de scolarité différenciés pour la population étudiante étrangère est une politique responsable de la précarité et de l’appauvrissement d’une partie importante de cette population étudiante, notamment comparativement à la population étudiante provenant du Québec.
Nous, féministes, nous opposons au racisme intériorisé de la hausse des frais de scolarité, affectant directement la diversité sociale des étudiantes et étudiants au niveau post-secondaire.
Considérant que la politique néolibérale et capitaliste dans laquelle s’inscrit la hausse des frais de scolarité perpétue et maintien les systèmes d’oppressions que sont le sexisme, l’hétéronormativité, le racisme, l’impérialisme, le colonialisme, le classisme ;
Considérant historiquement que l’éducation a été un facteur primordial de libération et d’émancipation des femmes, que l’éducation a permis aux femmes de diverses origines de s’assurer un avenir hors des sentiers de la pauvreté et de se prémunir d’outils face à l’intersectionnalité des oppressions patriarcales, capitaliste, racistes, impérialistes, coloniales et classistes ;
Considérant que la mobilisation contre cette hausse des frais de scolarité ainsi que contre l’agenda néolibéral du gouvernement en place se fait maintenant depuis plus de deux ans ;
Considérant que la grève générale illimitée est enclenchée depuis plus d’un mois et que nous sommes prêtes à poursuivre notre lutte contre cette mesure sexiste ;
Considérant que le ministère de la Condition féminine ne s’est toujours pas positionné sur cette hausse des frais de scolarité et son impact sur les femmes ;
Considérant que le gouvernement libéral ne tient pas en compte les conséquences sexo-spécifiques de la hausse des frais de scolarité.
Nous réclamons une rencontre avec la Ministre St-Pierre le 28 mars afin de lui faire part de nos revendications et des impacts de la hausse des frais de scolarité sur les femmes.
Nous réclamons de la Ministre St-Pierre qu’elle convoque un point de presse immédiatement pour réagir à notre manifeste et qu’elle annonce la rencontre du 28 mars avec les étudiantes féministes.
Nous annonçons que si la Ministre St-Pierre refuse de prendre position et qu’elle ne reconnaît pas avoir failli à son mandat de défendre la «condition féminine», nous revendiquerons et nous veillerons à sa démission.
Nous ne nous tairons pas et nous ne seront pas tranquilles.
Nous appelons toutes les femmes, les féministes, les groupes invisibilisés à continuer la lutte, à joindre massivement les mouvements sociaux, dont le mouvement étudiant, et à se réapproprier la lutte pour l’amélioration de nos conditions de vie.
1 commentaire:
"Nous, féministes, nous révoltons contre le système dans lequel la hausse des frais de scolarité s’inscrit, un système capitaliste, patriarcal, hétéronormatif , raciste, un système qui appauvrit les étudiantes et les étudiants."
Et je peux savoir ce que le patriarcat vient faire dans les frais de scolarité ?
Vous n'auriez pas tendance à mettre un peu tous les problèmes de la société sur le dos des hommes, parfois, si ?
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