lundi 2 avril 2012

"Les multiples vies du carré rouge"

Vivian Labrie, Collectif pour un Québec sans pauvreté, le 4 avril 2005

L’origine de cette idée « forte et efficace » du carré rouge qu’on a vu partout dans le mouvement étudiant ces dernières semaines n’est pas du tout « obscure » comme l’affirme Stéphane Baillargeon dans son article sur « L’esthétisme de la contestation » dans Le Devoir de samedi le 2 avril 2005. Tout ça a commencé d’une façon tout ce qu’il y a de plus publique. Les membres de l’Assemblée nationale, en particulier Claude Béchard, ancien ministre de l’Emploi, de la Solidarité sociale et de la Famille, savent très bien d’où il vient. Pour le bénéfice de tout le monde, voici comment ça s’est passé.



L’origine du carré rouge


Le carré rouge a été arboré pour la première fois le 5 octobre 2004 dernier, lors de la présentation du Collectif pour un Québec sans pauvreté sur l’inacceptable projet de loi 57 sur l’aide sociale à la Commission des affaires sociales de l’Assemblée nationale.

La délégation du Collectif en a expliqué le sens au ministre dans ces termes, qu’on retrouve dans la Gazette officielle du Québec du 5 octobre : « ... nous nous sommes demandés comment on doit agir pour cesser de tourner en rond dans l’histoire. Aujourd’hui, nous dénonçons, nous démontrons, nous proposons. Tout à l’heure aussi nous serons dans la rue. [...] Nous vous demandons de refuser que les institutions politiques continuent de concevoir pour les citoyens et citoyennes les plus pauvres des escaliers roulants qui descendent au lieu de monter et qui mettent à chaque fois un peu plus dans le rouge. Nous allumons une très, très grosse lumière rouge [...] comme ça, ce sera encore plus visible. » Les membres de la délégation ont alors arboré devant le ministre un carré rouge en « duct tape » rouge, en invitant les gens « qui sont intéressés à allumer la lumière rouge » à le faire en même temps qu’eux.

Par la suite, tout l’automne la consigne du carré rouge s’est multipliée dans les rangs du Collectif en même temps qu’une déclaration citoyenne qui a été signée par plus de quatre mille personnes de toutes occupations et plus de 500 organisations pour réclamer le retrait du projet de loi 57 et la réparation des reculs en cours à l’aide sociale (voir sur le site Internet du Collectif au www.pauvrete.qc.ca, il est encore possible et utile de la télécharger pour la signer). La consigne s’est répandue ensuite lors du Forum alternatif tenu les 6 et 7 octobre par le Réseau de vigilance en marge du Forum des générations prévu la semaine suivante à St-Augustin près de Québec ainsi que dans les manifestations subséquentes. Le 20 novembre, à l’invitation du même Réseau, plus de 10 000 personnes sont venues à Montréal manifester à l’extérieur du congrès du Parti libéral du Québec leur objection aux reculs, à l’aide sociale et ailleurs, qui mettent des personnes dans le rouge. La consigne était de porter du rouge. Le 13 décembre, deux ans jour pour jour après l’adoption de la Loi visant à lutter contre la pauvreté et l’exclusion sociale, à l’initiative du Collectif, une cinquantaine de personnes portant carré rouge et vêtements rouges a occupé « en rouge » la cafétéria de l’Assemblée nationale pendant cinq heures, pour réclamer notamment le retrait du projet de loi 57 sur l’aide sociale et l’abandon des mesures de recul.

En janvier 2005, les associations étudiantes ont pris le relais du carré rouge, ce qui est très bien, pour lui donner la visibilité qu’on a vue, avec la créativité que l’on sait dans le cadre de l’extraordinaire mobilisation qui s’est développée ensuite contre la coupure du 103 M$ aux prêts et bourses.

Quant à l’idée lancée en octobre, elle provenait du travail d’un atelier, qui aura à l’évidence atteint son but, sur « Des idées de fou pour du matériel militant qui suscite l’attention et l’adhésion » tenu lors d’une session extraordinaire du Parlement de la rue convoquée par le Collectif à Québec, le 24 janvier 2004. Les participantEs étaient sortiEs de l’atelier marquéEs de rouge, à partir de l’idée et du matériel apportés par la personne ressource de cet atelier, une artiste de Montréal, Johanne Chagnon, en signe de protestation devant des politiques appauvrissantes. Notons également une série de productions « rouges » de cette artiste, faites à la fin de l’automne 2004 en collaboration avec le Collectif. On peut les voir sur le site Internet du Collectif.

Voilà l’histoire de l’origine du carré rouge. Il n’appartient à personne. Il est associé à une mobilisation d’objection à des politiques qui appauvrissent. Il pourrait continuer à faire du chemin dans ce sens.

(...)

Collectif pour un Québec sans pauvreté
165, rue Carillon, local 309, Québec (Québec)
(418) 525-0040
collectif@pauvrete.qc.ca

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